Sur les traces de (26) ... Denys Puech

mercredi 15 février 2023, par Dumont

Cet article est un complément aux articles de Jean-Claude Souyri paru dans le bulletin N°50, de Sophie Vera et de Monique Dugué-Boyer parus dans le bulletin N°57 du Cartoclub Aveyronnais

Le musée Denys-Puech, une institution inédite dans le paysage muséal français

Résumé tiré du mémoire de Master 2 de Clémentine Olchanski, intitulé Créer son propre musée sous la IIIe République ; regards croisés sur les musées Gustave-Moreau, Denys-Puech, Rodin et Ziem, soutenu à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, sous la direction de M. Arnaud Bertinet, 2021-2022.

À l’aube de la IIIe République, alors que la naissance du marché de l’art et la réorganisation des Salons poussent les artistes à redéfinir leur place, quatre artistes décident de créer leurs musées. Il s’agit du sculpteur Auguste Rodin, du peintre Gustave Moreau, du paysagiste Félix Ziem et du sculpteur aveyronnais Denys Puech.

Ce dernier, originaire de Gavernac, réalise son apprentissage de la sculpture à Rodez, qu’il quitte rapidement pour Paris, où il devient membre de l’Académie des Beaux-arts en 1905, supplantant Auguste Rodin qui n’obtient aucune place à ses côtés. D’abord membre de l’Académie puis directeur de la Villa Médicis à Rome, Denys Puech connait les plus hauts honneurs des sculpteurs officiels et réalise environ soixante-sept commandes publiques dont seize ornent l’espace public de la capitale. Malgré les critiques, qui jugent parfois ses œuvres mal proportionnées et trop classiques, la carrière de Puech est affirmée et ce dernier décide de se saisir de son succès pour se lancer dans un projet d’envergure : créer son propre musée. À l’époque, il n’est pas encore coutume de créer sa propre institution, aussi, seul Gustave Moreau l’ayant fait, le projet de Puech est innovant et inédit dans le paysage muséal français.

En 1902, alors que le musée Gustave-Moreau vient d’ouvrir ses portes à Paris, Denys Puech expose son projet à son ami et collectionneur, Louis Chabrier. Il lui explique que le but de sa vie sera de créer une maison dans laquelle il placera ses œuvres et qu’il lèguera à la Ville de Rodez. Il choisit Rodez, au détriment de Paris, afin que son musée ne soit pas noyé par d’autres institutions et que les visiteurs puissent y apprécier pleinement son souvenir et l’esprit de son art.
Pour réaliser son ambition, il achète un terrain au bas de l’avenue Victor Hugo dans le but de construire l’édifice avec l’aide de l’architecte Henry Pons.
Le projet est mystérieusement abandonné tandis que le maire de la ville de Rodez, Louis Lacombe, décide de joindre l’idée de Puech au projet de futur musée municipal.

Ce musée, qui doit être créé sur l’emplacement de la Maison Bertrand, derrière le chevet de la Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Rodez, est financé à majorité par Denys Puech qui doit obtenir une salle à son nom et réservée à son œuvre. La démolition de la maison Bertrand dégage cependant l’espace et les riverains, représentés par le graveur Eugène Viala, demandent à ce que le futur musée trouve un autre emplacement afin de conserver cette disposition aérée et agréable (aujourd’hui, une bijouterie Julien D’Orcel est à l’emplacement sur lequel le musée devait s’élever). Le Conseil municipal vote, choisissant le plateau sainte-Catherine au détriment du jardin Foirail (à l’emplacement même de l’actuel musée Soulage) et le projet architectural d’André Boyer est remanié. La construction est lancée et Denys Puech reste son principal donateur.

Par abus de langage, le musée est alors fréquemment appelé « Musée Denys Puech » et les salles, qui devaient initialement recevoir les collections de beaux-arts et d’archéologie de la Société des Lettres de l’Aveyron, deviennent progressivement dédiées au sculpteur ruthénois. Le musée, initialement conçu comme un musée généraliste, se dédie naturellement à Denys Puech qui en devient le conservateur le 14 août 1919, neuf ans après son inauguration officielle. Le fonds d’œuvres du musée, dont le nom est officieusement devenu « Musée Denys-Puech », est essentiellement composé des œuvres du sculpteur, qu’il donne tout au long de sa vie sans que des actes juridiques ne puissent cependant en attester.

L’institution se pérennise et devient l’un des quatre exemples de musées créés par des artistes entre 1870 et 1930 ; à l’heure des nationalismes, ces musées d’artistes sont des véritables lieux de représentation de la grandeur française et du progrès. Le musée Denys-Puech naît à une époque où la France est à la recherche d’outils symboliques pour affirmer sa puissance politique et civilisationnelle sur ses voisins européens. Dès lors, les musées Gustave-Moreau, Denys-Puech, Rodin et Ziem participent de cette mise en récit des génies français et ces musées d’artiste, qui apparaissent à la croisée de ces circonstances politiques favorables, sont les porte-étendards de la grandeur de l’Art français.

*** Clémentine Olchanski ***

 Balade dans les oeuvres de Denys Pueh
 Balade au musée Denys Pueh

Pour aller plus loin

Créer son propre musée sous la IIIe République ; regards croisés sur les musées Gustave-Moreau, Denys-Puech, Rodin et Ziem. Mémoire de Master2 Patrimoine et musées 2021-2022. Volume 1
Annexes. Mémoire de Master2 Patrimoine et musées 2021-2022. Volume 2